Hello ! Bienvenue sur LASIA Sénégal. Dans le cadre de la journée internationale de l’éducation 2020, j’ai le grand plaisir de recevoir le Dr Abdoul Alpha DIA, Directeur des Etudes, de la Recherche et de l’Innovation (DERI) de l’UVS. Il va nous entretenir sur sa vision de « l’Ecole du Futur« . C’est dans la rubrique entretiens !
Alors, c’est aujourd’hui, vendredi 24 janvier 2020 que la journée internationale de l’éducation est célébrée. Elle a été proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2018. Elle vise à « honorer l’éducation et sa place centrale dans le bien-être humain et le développement durable ». Cette édition a pour thème : « Apprendre pour les populations, la planète, la prospérité et la paix« . Dans ce document de l’UNESCO, on peut lire :
L’éducation est au cœur du développement aussi bien des individus que des communautés. Sa mission consiste à aider tous les individus à développer pleinement leurs talents et à réaliser leurs potentiels créatifs, y compris la conduite de leur propre vie et leur capacité de contribuer à la société. L’éducation est aussi un catalyseur puissant pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, améliorer la santé et le bien-être, et surmonter les discriminations.
UNESCO, secteur de l’éducation
Le Dr Abdoul Alpha DIA est enseignant-chercheur en économie, à l’UVS (Université Virtuelle du Sénégal). Il y occupe, par ailleurs, la fonction de Directeur des Etudes, de la Recherche et de l’Innovation (DERI). Euuh au fait, l’UVS, c’est quoi ? C’est une université publique numérique sénégalaise. C’est aussi l’université où j’ai pu me passionner du e-learning, m’intéresser aux technologies éducatives, faire une licence en anglais et actuellement un master en sciences de l’éducation. J’en parlerai un de ces jours. Promis ! Visitez le site ;-), pour plus d’informations ! Maintenant, let’s come back continuer les présentations. Avant de rejoindre l’UVS, à son démarrage en 2013, Dr DIA était enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey.
Pour la petite histoire, j’ai pu suivre à distance, une présentation que le Dr DIA a fait sur le même thème, l’Ecole du Futur. J’ai alors jugé pertinent de le convier à partager avec mes lecteurs. Le contenu fourni par DERI dépasse largement mes attentes. La passion et le savoir s’expriment et cela donne les magnifiques réponses ci-dessous. Bonne lecture !
Merci LASIA Sénégal ! Je voudrais, avant de dire en quoi consistera l’Ecole du Futur, rappeler deux propos. Le premier est de Souleymane Bachir DIAGNE qui nous dit que « l’Ecole est l’usine de fabrication de l’avenir« . Dis-moi quelle école tu as, et je te dirai donc le futur auquel tu pourrais prétendre.
Je voudrais aussi invoquer Marc PRENSKY, qui a forgé les deux célèbres concepts de « digital natives » et de « digital immigrants », et qui estime que l’École aujourd’hui doit ressembler au monde de demain, tandis que l’École de demain doit, elle, plutôt ressembler au monde d’après-demain. Qu’est ce que cela signifie ? Tout simplement qu’il faut préparer les jeunes pour ce qui va venir. Il ne faut pas enseigner uniquement les choses qui sont utiles pour les adultes d’aujourd’hui, mais plutôt chercher et transmettre les choses qui seront utiles pour les adultes de demain.
Selon le Département d’État américain du Travail, 65% des écoliers d’aujourd’hui pratiqueront, une fois diplômés, des métiers qui n’ont même pas encore été inventés ! Pour en venir maintenant à l’Ecole, elle doit nécessairement évoluer. Paradoxalement, l’Ecole est une institution assez conservatrice. La salle de classe de mes enfants, nés au début des années 2000, n’est pas fondamentalement différente de celle de mon grand père, dont la scolarisation remonte à la fin du XIXe siècle.
Pourtant, entre mon enfant et mon grand père, il y a près de 150 ans d’écart. Et le monde dans lequel vivent mes enfants est radicalement différent de celui qu’a connu mon grand père. En fait, depuis même près de 2 000 ans, c’est à dire depuis que l’Ecole a été inventée, elle n’a guère évoluée. Elle s’organise autour d’un même rituel, immuable : des « maîtres » s’efforcent de transmettre leur « savoir » à des groupes de disciples en s’adressant directement à eux dans des « salles de classe ». Les disciples écoutent et écrivent. Or, le « savoir » se situe aujourd’hui, pour une bonne part, hors du cerveau des « maîtres », dans des millions de bases de données facilement accessibles au moyen de moteurs de recherche.
En effet, il existe bien d’autres moyens de transmission de l’information que la voix humaine directe. Enfin et peut-être surtout, les jeunes gens à former sont plus enclins aujourd’hui, dans la plupart des pays, à se concentrer et à acquérir du « savoir » en dialoguant à l’aide de plusieurs devices (ordinateur, tablette, smartphone, etc.) qu’en écoutant un « maître » en vis-à-vis. A quoi ressemblera maintenant l’Ecole du Futur ? Evidemment, l’Ecole du Futur n’existant pas encore, il sera difficile d’en dessiner fidèlement le portrait. Néanmoins, plusieurs tendances fortes émergent et peuvent être dessinées à grands traits.
Tout d’abord, l’École, à l’avenir, prendra davantage en compte le fait que chaque apprenant est unique. A ce titre, elle privilégiera la personnalisation des parcours, grâce à une pédagogie différenciée, à la diversification des supports et des activités d’apprentissage, à la réforme de l’évaluation, etc. Ce faisant, la motivation et l’envie d’apprendre seront plus fortes au sein de cette École du futur. La possibilité de répétitions donnera, par ailleurs, à chaque apprenant l’opportunité d’avancer à son rythme, sans jugement, et de recevoir automatiquement les informations et les feedbacks lui permettant d’avancer, sans que la présence de l’enseignant ne soit obligatoire.
L’Ecole du Futur sera aussi davantage à l’écoute des apprenants. Que veulent ces derniers ? Au fond, des choses bien simples. Etre respecté. S’exprimer et partager ses opinions. Avoir des responsabilités et partager le contrôle de la classe. Pouvoir choisir et prendre des décisions. Avoir des défis. Travailler sur des projets, de vrais problèmes. Travailler en collaboration et en coopération et donc ne pas toujours être en compétition. Suivre ses intérêts et ses passions. Créer, participer au monde réel (c’est à dire extérieur à l’Ecole), etc. Vous conviendrez avec moi, toutes ces aspirations qui sont celles des apprenants sont bien légitimes !
Je confirme 😉 !
L’éducation du futur, ce sera également davantage une activité coopérative. L’apprentissage coopératif part de l’idée que la sagesse combinée du groupe est en général supérieure à l’expertise de n’importe quel participant. En apprenant ensemble, on accroît donc non seulement le savoir collectif, mais aussi celui de chacun des membres du groupe.
L’École du Futur, ce sera aussi la culture du faire ou du « faites-le vous-même », et si possible avec d’autres. Cette culture, qui souligne l’importance de l’expérience et de la confrontation de la théorie avec la pratique, met aussi l’accent sur les jeux de rôles, qui permettent notamment de développer l’immersion ou le sentiment de contrôle, ainsi que l’acquisition d’un savoir-être en « jouant » une sorte de pièce de théâtre qui implique le comportement visé. Des travaux de recherche ont montré que globalement, on retient 10% de ce qu’on lit, 20% de ce qu’on entend, 30% de ce qu’on voit, 50% de ce qu’on voit et entend, 75% de ce qu’on dit (ou écrit) et 90% de ce qu’on fait.
L’École du futur, plus en tout cas que celle d’aujourd’hui, conciliera divertissement, apprentissage et performance. Un apprenant qui ne prend pas plaisir à apprendre ou qui n’est pas motivé n’apprend pas en réalité ou apprend alors très mal. Elle s’adaptera à la culture du jeu. De ce point de vue, des possibilités et des opportunités très intéressantes sont offertes par les serious games, et tout ce qui se rapporte à la révolution de la « gamification ».
En parlant de serious games…
Dans le futur, les technologies impliqueront encore davantage des changements profonds dans la pédagogie éducative. Il sera de même dans les formes et modalités d’accès aux savoirs, dans les techniques d’apprentissage et dans le métier d’enseignant. Du fait notamment de l’irruption du virtuel dans les différentes séquences et activités pédagogiques, la stabilité physique d’un lieu qui s’appellerait École sera largement remise en question. L’école ne sera plus ce lieu sanctuarisé, cet espace physique où un maître transmet des connaissances à des élèves. La salle de classe ne se limitera plus seulement aux murs qui l’entourent. Elle s’élargira en quelque sorte aux dimensions du monde. De nouveaux modèles de salles de classe verront le jour dans l’École du Futur.
Dans l’École du Futur, des outils considérés aujourd’hui encore comme des innovations technologiques (par exemple, le tableau numérique interactif, les Learning Management System ou plateformes dédiées à la formation à distance) seront généralisés, et même mieux, banalisés. L’ordinateur, les tablettes numériques, les logiciels… seront aussi indispensables dans l’École du Futur que le cahier ou l’ardoise ne le sont pour l’École à l’heure actuelle. D’autres technologies, que l’on peine à imaginer aujourd’hui seront très largement répandues dans l’École du futur. Il ne faudrait cependant pas se tromper. Les technologies du Futur ne feront pas à elles seules l’Ecole du Futur. Les technologies ne sont en effet que des outils. La question importante, la seule qui compte, c’est donc l’usage qui sera fait de ces outils.
L’École du futur, telle que tantôt sommairement dessinée ou projetée, s’inscrit évidemment dans une perspective transformationnelle. Elle implique donc, et vous avez parfaitement raison d’utiliser l’expression, des « acteurs phares ». Deux parmi ces acteurs joueront un grand rôle dans cette école du Futur : les apprenants et les enseignants. Pour l’apprenant du futur, les technologies seront comme un sixième sens. Dans le futur, l’homme vivra même dans un monde entièrement informatisé et programmable.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur l’enseignant du Futur. Dans l’Ecole du Futur, et contrairement à certaines idées annonçant sa disparition prochaine, l’enseignant aura toute sa place. Toutefois, sa mission sera profondément redéfinie. Dès lors que l’enseignant n’est plus la seule source d’information, sa mission doit être réorientée. Il doit désormais se positionner comme celui qui va organiser ces savoirs, quelqu’un qui va fonctionner dans un dialogue permanent avec les apprenants. Ainsi, l’enseignement sera davantage un dialogue ou une conversation qu’une transmission verticale.
Afin que les pays africains se préparent au mieux à faire face aux nouveaux défis, des plans ambitieux de mise à niveau des infrastructures éducatives s’imposent. Les pédagogies centrées sur les apprenants, l’enseignement à distance ou hybride, la numérisation et la virtualisation des bibliothèques, les classes inversées, les MOOC, les serious games, l’apprentissage en ligne autodirigé et non-formel, l’apprentissage collaboratif et coopératif, les learning centers, les campus intelligents, l’Internet multimensionnel… nécessitent, en effet, d’importantes infrastructures, et notamment sur le plan informatique (serveurs, clients légers, cloud, Internet, applications, etc.), etc.
La production de contenus numériques éducatifs est un autre défi que doivent relever les pays africains. Enfin, face aux défis qu’implique l’Ecole du Futur, la formation des enseignants revêt un enjeu fondamental en Afrique. Les pays africains auront-ils les moyens pour faire face à tous ces défis ? Pour moi, la question des moyens est toujours un faux débat. Dans aucun pays au monde, les moyens ne tombent du ciel. Les moyens, c’est comme l’expérience, il faut aller les chercher !
Beaucoup estimaient que le Sénégal n’avait pas les moyens de mettre en place une université en ligne, ni les compétences nécessaires pour cela. Pourtant, cinq ans après sa création, l’UVS est toujours là, et elle fait même mieux que d’être simplement là, puisqu’elle est devenue une institution de référence dans son domaine, et qu’elle a même fait des émules dans la sous-région et bien au delà. L’on ne s’en rend peut être pas suffisamment compte, mais l’UVS, c’est probablement la plus grande innovation éducative jamais tentée au Sénégal !
Par ailleurs, dans bien des domaines qui intéressent l’Ecole du Futur, tels que l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, les technologies ou les connaissances sont encore naissantes ou balbutiantes, et les pays africains ne sont donc pas dans une situation de retard profond. Si les politiques mises en oeuvre misent sur l’audace et l’excellence, les pays africains peuvent être parmi les plus grands producteurs de connaissances ou de technologies dans tous ces domaines !
Dr Abdoul Alpha DIA
En fait, de mon point de vue, les apprenants n’auront pas besoin de se préparer particulièrement. Tout simplement parce que l’Ecole du Futur sera à leur image, et telle qu’ils souhaiteraient qu’elle soit. L’Ecole du Futur, c’est en effet tout simplement le renforcement de la centralité sur l’apprenant. Maintenant, cette centralité a aussi son revers. L’Ecole du Futur, c’est aussi l’Ecole de la responsabilité, et de ce fait, la perspective change radicalement. Dans l’Ecole du Futur, les apprenants seront les principaux acteurs de leurs propre formation, et dès lors, leur responsabilité sera forte.
Oui, une précision importante. Lorsqu’on parle du Futur, les propos ne doivent jamais avoir la fermeté du sol. Il ne faut donc pas se tromper : l’avenir est un domaine de liberté, et rien n’y est inéluctable. Toute réflexion sur le thème de l’Ecole du Futur relève par conséquent plutôt du projet. Elle s’inscrit en particulier dans un scénario de gestion de la complexité. Pour imaginer ou inventer l’éducation de demain, le meilleur moyen dont nous disposons est d’en parler ensemble, d’en débattre, de confronter les points de vue et les représentations. Tous ceux qui veulent prendre part activement aux changements qui s’annoncent, plutôt que de les subir, doivent donc s’exprimer. Pour cela, je vous remercie de l’opportunité que vous m’avez donné de dire mon point de vue, en espérant qu’il pourra en susciter d’autres.
C’est un plaisir ! Tous ensemble, nous remercions le Dr DIA pour sa diligence, sa disponibilité et son engagement en faveur de l’éducation et de la formation. C’était notre personnalité du jour !
Mon sourire est revenu. On dit le meilleur pour la fin. Je vous annonce alors que plusieurs articles connexes suivront pour approfondir les discussions. Les échanges avec Dr Alpha DIA ont été des plus instructives et tous les contenus n’ont pas pu tenir dans cet article.
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Miss LASIA Sénégal